Les premières familles anglo-canadiennes issues
des alliances mixtes au Québec 1760-1780

 

La période 1760-1780

La guerre de Sept Ans a amené sur les rives du fleuve Saint-Laurent en 1759 et 1760 des milliers de soldats britanniques pour combattre les troupes françaises en Amérique. Ces militaires sont d’origine diverse car on y retrouve des Anglais, des Écossais, des Irlandais, des natifs de la Nouvelle-Angleterre, des Européens alliés aux Britanniques et quelques-uns des îles anglo-normandes. En septembre 1760, au lendemain de la capitulation de la Nouvelle-France, un régime militaire est instauré en attendant la fin des négociations entre Britanniques et Français sur l’avenir du Canada. En raison de cette situation conjoncturelle, plusieurs soldats britanniques séjournent ou s’établissent dans la colonie pour assurer le maintien de la paix.

 

Dès octobre 1760, les premiers civils britanniques arrivent au Canada pour administrer le pays et faire du commerce. Parmi ceux-ci, on retrouve un bon nombre d’individus en provenance des colonies de la Nouvelle-Angleterre qui voient en la Conquête de grandes opportunités dans le négoce qui dorénavant se fera avec les colonies américaines et la Grande-Bretagne. Entre 1760 et 1763, les Anglais qui s’établissent au pays le font par bail de location puisqu’aucune acquisition de propriété ne peut être envisagée avant que le sort de la Nouvelle-France ne soit réglé2. À compter de 1763, plusieurs officiers d’origine britannique acquièrent des habitations et des seigneuries délaissées par les Français tandis que d’autres s’en font concéder par le gouverneur James Murray.

 

À Montréal, en 1760, le pasteur John Ogilvie devient le premier ministre de l’Église d’Angleterre à œuvrer au Québec. Comme il n’existait pas d’église anglicane à Montréal, Ogilvie célébrait les offices dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu. Il a officié à plusieurs mariages entre 1760 et 1766 dont ceux des frères Samuel et Francis McKay, deux officiers de l’armée britannique qui épousèrent des Canadiennes. À Québec, entre 1760 et 1768, c’est le pasteur John Brooke qui célébrait les offices religieux dans la chapelle des Récollets dont quelques mariages mixtes au grand dam de l’Église catholique qui s’insurgeait contre ces unions. Entre 1760 et 1766, on rapporte 116 mariages mixtes dont 57 mariages célébrés par des aumôniers militaires qui accompagnaient les troupes anglaises et qui ne sont pas inscrit dans les registres de l’état civil protestants.

 

Pour la période subséquente, soit celle de 1766 à 1780, les registres protestants de Montréal (1766), Québec (1768), Trois-Rivières (1768) et Sorel (1775) contiennent les enregistrements de mariages de 157 protestants anglophones dont quelques mariages célébrés par des aumôniers militaires. Les mariages mixtes, dénoncés tant par l’Église catholique que par l’Église protestante, sont tout de même contractés devant des prêtres catholiques et des pasteurs protestants. Entre les années 1760 et 1780, 329 unions avec des Canadiens mais surtout avec des Canadiennes ont été enregistrées dont 223 devant un pasteur protestant et 106 devant un prêtre catholique.

 


2 Parchemin, base de données notariales du Québec sous la direction de Normand Robert et Hélène Lafortune. Entre le 19 octobre 1760 et le 10 février 1763, les actes notariés contractés par des Anglais concernent uniquement des locations de maisons. Ce n’est qu’à partir de 1763 que l’on trouve des ventes de propriétés dont plusieurs seigneuries appartenant à des Français et à des Canadiens.

 

Tableau 1 Alliances mixtes contractees au cours de la periode 1760 1780

Le tableau ci-dessus comptabilise 329 mariages. Les mariages entre catholiques et anglophones concernent surtout des Écossais et des Irlandais qui épousent des Canadiennes dans une proportion de 75 %.

 

Quant aux données provisoires concernant les origines des 329 migrants ayant contracté des mariages mixtes au Québec entre 1760 et 1780, ils proviennent des contrées suivantes : Angleterre : 38, Écosse : 67, Irlande, 48, Pays-de-Galles : 2, États-Unis : 13, îles britanniques : 140 et autres pays alliés aux britannique : 21.