D’autre part, la Nouvelle-France ne possédait pas de baraquements militaires pour loger les soldats. Ceux-ci devaient donc résider chez les habitants une bonne partie de l’année et au cours des longs mois d’hiver. Comme la Nouvelle-France comptait à peine 60 000 habitants à l’époque de la guerre de Sept Ans, loger près de 6000 soldats était déjà un effort considérable demandé aux habitants. Aurait-on pu en loger 5000 ou 6000 de plus sans mettre en péril la survie de la population locale à une période où une famine sévit en Nouvelle-France ? On peut en douter.

Enfin, la milice canadienne, composée de quelque 12 000 hommes, plus ou moins bien armés, on en convient, a-t-elle fourni l’effort nécessaire pour soutenir les troupes régulières lors des batailles contre les Britanniques ? En relisant l’histoire, on a l’impression que la milice canadienne considérait ce conflit comme une guerre franco-britannique bien plus qu’une menace à leur propre survie.

La France n’avait donc pas l’intention de perdre sa colonie d’Amérique lors de la guerre de Sept Ans. C’est davantage lors des négociations menant à la signature du Traité de Paris (1761-1763) que la mère-patrie a renoncé à conserver son empire en Amérique et ses « quelques arpents de neige » pour paraphraser Voltaire.

Le Traité de Paris

De la capitulation signée par Vaudreuil le 8 septembre 1760, à la signature du Traité de Paris, le 10 février 1763, un régime militaire est mis en place par les vainqueurs pour administrer le territoire conquis. Les Britanniques dirigent le pays au cours de 28 mois, période pendant laquelle plus de 4000 Canadiens et Français décident de rentrer en France créant ainsi une saignée importante dans la classe dirigeante du pays.

En Europe, les pourparlers de paix commencés en 1761, prennent deux années à se conclure. En 1763, deux traités mettent fin à la guerre de Sept Ans que plusieurs considèrent comme la première guerre mondiale. Selon le Traité de Paris, signé le 10 février 1763 entre la Grande-Bretagne, la France et l’Espagne, les Britanniques obtiennent d’énormes gains territoriaux en Europe, en Afrique et en Asie. De leur côté, les Autrichiens et les Prussiens signent le Traité de Hubertusburg le 15 février suivant. Ce traité valide les frontières de 1756 et oblige l’évacuation de la Silésie par l’Autriche.

En Amérique du Nord, le Traité de Paris a des répercussions beaucoup plus importantes. La Grande-Bretagne obtient toute la Nouvelle-France, sauf les îles Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que tous les territoires à l’est du Mississippi. Pour sa part, la France récupère les îles de la Martinique, la Guadeloupe, Marie-Galante et Sainte-Lucie, ainsi que des droits pour sécher le poisson sur les côtes de Terre-Neuve.

L’héritage français de la guerre de Sept Ans

Au terme du conflit anglo-français, 692 officiers et soldats des troupes de la Marine, 1683 officiers et soldats des troupes de Terre et 507 civils se voient obliger de rentrer en France. En octobre 1760, depuis Québec, des navires anglais transportent les vaincus vers le port de La Rochelle où plusieurs soldats sont démobilisés dès leur arrivée.

Bien que 2882 Canadiens et Français soient rapatriés en France, plusieurs décident de demeurer au pays malgré la présence des nouveaux maîtres et le faible espoir que la France retrouve un jour sa colonie d’Amérique. De tous les soldats des troupes françaises qui ont combattu en Amérique lors de la guerre de Sept Ans, 607 soldats des troupes de Terre et 505 soldats des troupes de la Marine ont décidé de prendre épouse pendant le conflit et de demeurer au Canada par la suite. Ces quelque 1100 militaires constituent une présence importante pour l’avenir du pays. Leur établissement dans plusieurs régions du Québec permet un renouvellement des populations. Ironiquement, ce flux migratoire constitue le plus important apport d’immigrants français en Nouvelle-France depuis la décennie 1670 où 400 soldats des régiments de Carignan-Salières et 770 filles du Roi se sont établis au pays à la demande de l’intendant Jean-Talon.