Les pionniers et pionnières établis par mariage au Canada 1617-1825

La base de données des pionniers et pionnières établis par mariage au Canada compte 15 156 entrées au 1er juin 2024 et couvre la période de 1617 à 1825, dans certains cas jusqu’en 1850. Dans la présente version, plus de 8 000 fiches de la période 1617-1760 ont été révisées pour inclure dans les sources les références au Registre de la population du Québec ancien du PRDH-IGD et du Fichier Origine de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie. Comme il s’agit d’une base de données démographiques, seulement l’année de la naissance et l’année du mariage des pionniers et pionnières sont indiquées puisque ces informations sont disponibles dans le Fichier Origine, le PRDH ou Généalogie Québec.

Cette base de données compilées par l’historien et généalogiste Marcel Fournier est diffusée gratuitement sur le site Internet d’Archiv-Histo.

1. Présentation de la base de données : https://archiv-histo.com/web_assets/doc/Les_pionniers_etablis_par_mariage_au_Canada.pdf

2. Accès à la base de données : https://archiv-histo.com/pionniers.php

3. Données démographiques concernant les pionniers établis au Canada par département de France :

Ain: Ain Pionniers.pdf – 

Bouches-du-Rhône : Bouches-du-Rhône Pionniers.pdf

Deux-Sèvres: Deux-Sèvres Pionniers.pdf – 

Dordogne : Dordogne pionniers.pdf

Charente : Charente Pionniers.pdf

Charente-Maritime : Charente-Maritimer Pionniers.pdf

Finistère: Finistère Pionniers.pdf – 

Manche : Manche Pionniers.pdf

Orne : Orne Pionniers.pdf –

Seine-Maritime : Département de la Seine-Maritime.pdf

Sarthe: Sarthe Pionniers.pdf – 

Yonne: Yonne Pionniers.pdf

Le régiment de Meuron au Canada 1813-1816

Le régiment de Meuron au Canada 1813-1816

Un conflit en Europe et en Amérique

La guerre de 1812-1813 éclate entre les États-Unis et la Grande-Bretagne le 18 juin 1812. Elle a pour causes principales le blocus naval des Britanniques contre Napoléon et la capture de vaisseaux américains en haute mer. Le désir des Américains de s’emparer de la vallée du Saint-Laurent afin de contrôler le trafic maritime depuis les Grands Lacs jusqu’à la mer est certes une autre raison majeure du conflit en Amérique.

Pour s’opposer aux invasions américaines, l’armée britannique compte environ 6 000 soldats au Canada. Il faut ajouter à ce chiffre un nombre égal de miliciens recrutés principalement dans le Haut-Canada. Parmi les soldats des troupes régulières en fonction au pays, quelques Français faits prisonniers en Espagne entre 1808 et 1810, sont enrôlés dans le 60e régiment, une troupe composée d’étrangers recrutés en Europe et en Amérique.

Deux régiments suisses au Canada

En 1813, pour assister les troupes britanniques, deux corps d’infanterie d’origine suisse viennent combattre en Amérique aux côtés des troupes anglaises. Il s’agit des régiments de Watteville et de Meuron. Le régiment de Watteville est composé de 1 547 personnes réparties comme suit : 42 officiers, 1 414 sous-officiers et soldats, 8 domestiques, 45 femmes et 38 enfants. Du point de vue ethnique, il comprend, entre autres, 156 Suisses, 321 Allemands, 120 Italiens, 10 Hollandais, 238 Polonais, Hongrois et Russes, 39 Grecs et 40 Français. L’allemand est la langue de commandement du régiment.

En mai 1813, le régiment suisse de Meuron, composé de 1 040 hommes accompagnés de 92 femmes et 42 enfants, reçoit l’ordre de s’embarquer pour le Canada. Parti de la Méditerranée le 13 mai 1813, le régiment arrive à Halifax le 16 juillet suivant. Au début du mois d’août, les soldats remontent le Saint-Laurent, s’arrêtent à Québec puis les effectifs sont répartis dans la région de Montréal où ils sont prêts à entrer en opération le 3 septembre 1813. En 1814, le régiment de Meuron est composé de 44 officiers, 144 sous-officiers et 852 soldats. Du côté ethnique, le régiment compte : 313 Suisses, 256 Allemands, 120 Italiens, 259 Français, 23 Espagnols et 69 autres ethnies.

Parmi les 259 soldats d’origine française, on compte 23 sergents, 18 caporaux, 5 tambours et 223 soldats. Le français est la langue de commandement du régiment. Les soldats du régiment de Meuron sont répartis dans les villages de la vallée du Richelieu. Les habitants de Chambly, de Saint-Jean, de L’Acadie, de l’Ile-aux-Noix et de La Prairie sont surpris de voir arriver ces militaires qui savent si bien s’exprimer dans leur langue. Cette affinité entre les soldats et la population locale crée des liens qui se poursuivront après la guerre.

Le Traité de Gand, signé le 24 décembre 1814, entre l’Angleterre et les États-Unis met fin au conflit en Amérique. Le régiment de Meuron, comme celui de Watteville est licencié le 16 juillet 1816. Parmi les militaires du régiment de Meuron, 346 soldats et 10 officiers demeurent au Canada alors que les autres militaires s’embarquent à Québec, le 26 juillet 1816, sur le vaisseau Eliza à destination de l’Angleterre.

Origine des soldats du régiment de Meuron établis au Canada1

Le régiment suisse de Meuron est un régiment multi-ethnique sont les effectifs proviennent de plusieurs pays européens. Voici le pays d’origine des 266 soldats qui se sont mariés, avant leur départ de l’île de Malte ou au Bas-Canada.

Pays d’origine des 266 soldats établis par mariage au Canada
Allemagne29Suisse56
Belgique23Espagne5
France98Autres pays8
Italie47

Les Français ont été fait prisonniers par les troupes espagnoles lors de la bataille de Baylen qui s’est déroulée du 19 au 22 juillet 1808. Pour éviter la mort, à l’automne 1808, plusieurs soldats acceptent de s’enrôler dans le régiment suisse de Meuron à la condition expresse de ne jamais combattre contre des Français. C’est ainsi qu’en novembre 1808, plusieurs centaines de militaires sont engagés à Cadix et à Gibraltar puis envoyés à l’île de Malte pour rejoindre les autres soldats du régiment qui sont en garnison dans cette île de la Méditerranée au service des Britanniques.

L’établissement des soldats du régiment de Meuron au Bas-Canada

Le régiment suisse de Meuron laisse plus de traces au pays que celui de Watteville en raison de sa composition, de son rôle et de ses affectations. Entre 1814 et 1816, 95 soldats d’origine française demeurent au pays au terme des hostilités avec les Américains et prennent épouses entre 1813 et 1836. Ce nombre représente 35 % des militaires français qui s’établissent au Bas-Canada après la guerre de 1812.

Régions de mariage des 266 soldats du régiment de Meuron
Montérégie118Lanaudière4
Montréal117Mauricie2
Centre-du-Québec6Autres régions2
Québec6Europe11

La Montérégie est la région où on compte le plus de mariages parmi les soldats de toutes nationalités soient 26 à Chambly, 27 à l’Acadie et 18 à Sorel. Des 118 mariages célébrés dans les paroisses de la Montérégie, 44 sont d’origine française.

Parmi les soldats du régiment de Meuron demeurés au pays, plusieurs s’installent dans la vallée du Richelieu, souvent aux endroits où ils ont été stationnés pendant trois ans, soit comme journalier, agriculteur ou commerçant. D’autres s’installent à Montréal ou l’activité commerciale offre une meilleure chance d’avenir. Au point de vue religieux 230 se sont mariés à l’église catholique tandis que 36 se sont mariés à l’église protestante.

Conclusion

Ces nouveaux immigrants francophones, arrivés en 1813, s’intègrent parfaitement à la société canadienne du début du XIXe siècle en épousant des Canadiennes et en occupant des métiers similaires à ceux des gens du pays. Très peu sont demeurés célibataires.

Marcel Fournier, AIG

Longueuil (Québec) le 25 janvier 20025

Mardi dernier, a eu lieu à l’Hôtel-de-Ville de Napierville, la cérémonie de la présentation de la médaille de Sainte-Hélène, à Henri-Louis (Pierre-Henry) Heyer, ancien soldat de Napoléon 1er. Le lieutenant-colonel Coursol des Chasseurs Canadiens, en attachant lui-même la médaille sur la poitrine du brave vétéran, lui exprimant tout le plaisir qu’il ressentait, en lui remettant cette décoration, de contribuer ainsi à la récompense des services d’un brave, qui non seulement s’est illustré sur les champs de bataille historiques de la vieille Europe, mais qui a encore porté les armes en Canada sa seconde patrie, et dont sa vaillante conduite à Châteauguay […]. Le brave soldat était si ému qu’il ne put retenir ses larmes. Heyer a servi sous Napoléon à Eylau [Prusse Orientale] où il fut blessé, et a pris part à plusieurs autres batailles. Après avoir laissé l’armée française, il s’enrôla dans le bataillon suisse organisé en Angleterre, et vint en Canada […]. Quoique très âgé, le vieux vétéran semblait avoir rajeuni pour la circonstance, et quand il répondit au salut militaire, il était aussi fièrement cambré qu’il y a 50 ans, les jours de revue.

Article du journal Le Franco-Canadien de Saint-Jean-sur-Richelieu le 24 août 1863

Appendice 1

Le parcours militaire d’Henry Heyer soldat au régiment de Meuron

On peut lire dans le journal La Minerve du 22 août 1863 un texte intéressant sur le parcours militaire d’Henry Heyer à l’occasion de la remise de la médaille de Sainte-Hélène à ce soldat de Napoléon 1er.

Heyer, Henry, né le 6 décembre 1787 à Kempten, près de Cologne, était conscrit de 1806. Il partit le 7 juin pour Aix-la-Chapelle, de là il fut envoyé au dépôt, à Mayence, où il reçut son uniforme et fut incorporé au 51e régiment de ligne. Trois semaines après il passa en Prusse où il séjourna dans différentes villes. Il fut blessé d’une balle au menton le 8 février 1807 lors de la bataille d’Eylau. Quatre mois après la paix ayant été conclue avec la Prusse, il rentra en France après avoir traversé une partie de la Pologne et de l’Allemagne. En mars 1808, il partit pour l’Espagne, passa par Victoria, Burgos, et arriva enfin à Madrid où il se trouvait en mai 1808, lorsqu’éclata la révolution dans cette dernière ville. La troisième division du maréchal Moncey, dont il faisait partie, reçut l’ordre de quitter Madrid et de se rendre à Valence.

C’est pendant cette retraite que M. Heyer tomba pendant la nuit entre les mains de l’ennemi. Il fut enfermé dans la citadelle de Valence, puis conduit à Carthagène où il resta treize mois comme prisonnier de guerre, ayant constamment refusé de prendre les armes contre la France. M. Heyer ainsi que plusieurs de ses camarades choisis par le colonel du 19e régiment de cavalerie anglaise, furent envoyés à Messine par une flottille de 13 bâtiments. Comme les prisonniers de comprenaient pas alors l’anglais, ils présentèrent une requête au général anglais Stuart qui les fit conduire à l’île de Malte, où ils furent incorporés dans le régiment des Meurons.

En mars 1813, trois bâtiments de guerre conduisaient ce régiment au Canada; mais tout le régiment, avant le départ, posa comme condition de ne pas se battre contre la France; cette condition fut acceptée. Arrivé en juin 1813 au Canada, M. Heyer fut envoyé au camp de Chambly, de là à Châteauguay, puis à Plattsburgh. Après la prise de la flotte anglaise, le régiment des Meurons vint à Saint-Jean où il resta jusqu’à la paix. Ce régiment fut ensuite licencié, à Montréal en 1816. Depuis ce temps M. Heyer est constamment resté à Montréal où il exerce une profession de jardinier. Pendant plusieurs années, il a servi comme sergent-major, sous les ordres du colonel Delisle, dans le 11e bataillon de Montréal.

Soldats du régiment de Meuron


1 Ce texte a été rédigé à partr de trois ouvrages sur le sujet : Les Français au Québec 1765-1868. Un mouvement migratoire méconnu de Marcel Fournier (Septentrion, 1995) Le Régiment suisse de Meuron au Canada de Maurice Vallée (Société d’histoire de Drummondville, 2005) et Les soldats de Napoléon 1er décorés de la médaille de Sainte-Hélène au Canada de Marcel Fournier (Longueuil, 2021).


2 Marcel Fournier, Les pionniers et pionnières établis par mariage au Canada 1617-1825, htps://archiv- histo.com/pionniers.php

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Immigration et émigration des pionniers et pionnières établis par mariage au Canada 1617-1763

Immigration et émigration des pionniers et pionnières établis par mariage au Canada 1617-1763

La formation d’un peuple fondateur

L’origine géographique d’un groupe de migrants arrivés au Canada au cours du Régime français constitue certainement une information des plus intéressantes sur le plan démographique et historique. Les historiens, les démographes et les généalogistes s’entendent pour affirmer qu’entre 30 000 et 60 000 Français ont séjourné au Canada avant la Conquête de 1760. Comme la majorité de ces séjours ont été temporaires, ce sont quelque 10 000 migrantes et migrants qui se sont établis au Canada sous le Régime français parmi lesquels plus de 95 % sont d’origine française. Ces données, nous le déplorons, ne tiennent pas compte des Blancs et des Autochtones qui ont formé des unions métisses, des esclaves mariés et des Acadiens de naissance qui se sont réfugiés au Québec après le grand dérangement de 1755. Par contre, la plupart des études prennent en considération l’apport des migrants originaires des autres pays européens et des colonies de la Nouvelle-Angleterre.

Jusqu’à présent, les chercheurs se sont basés sur l’année du mariage des migrants, la seule source fiable pour établir des données concernant l’immigration de souche de la vallée laurentienne. Pour les mariages contractés hors de la vallée du Saint-Laurent, c’est généralement l’année de naissance du premier enfant au pays qui tient lieu de référence. La population fondatrice de la vallée laurentienne sous le Régime français a été analysée par quelques auteurs contemporains. En 1984 et en 1990, Mario Boléda1 estime à 8 527 le nombre de migrants arrivés au Canada au cours de la période de 1608 à 1760. Son étude, basée sur les recherches du PRDH2, fait toujours notoriété dans la communauté historique. Ces données sont reprises par Hubert Charbonneau et Normand Robert dans l’Atlas historique du Canada3. Leslie Choquette4 évalue à 12 050 le nombre de migrants en Nouvelle-France avant la Conquête de 1760. Dans son estimation, l’auteure inclut la migration saisonnière et l’Acadie. La thèse de Samantha Rompillon fait aussi autorité concernant l’immigration française dans la vallée laurentienne au XVIIIe siècle même si elle s’intéresse essentiellement à l’immigration individuelle5.

Sans minimiser les données proposées par ces historiens, nous croyons qu’une mise à jour s’impose à la lumière de nouvelles informations accessibles depuis une dizaine d’années et diffusées dans différentes publications historiques. Aujourd’hui, nos recherches dénombrent 7 856 hommes et garçons et 1 940 femmes et filles établis par mariage au Canada entre 1617 et 1759 pour un total de 9 796 individus dûment identifiés. Ces données, extraites de la base de données des Pionniers et pionnières établis par mariage au Canada 1617-18256, comprennent quelque 15 200 fiches d’individus compilés par l’auteur en date de janvier 2025. L’expression « établi par mariage au Canada » concerne tous les migrants et migrantes, quel que soit leur origine ou leur âge, qui se sont mariés dans la vallée laurentienne ou qui se sont mariés à l’étranger avant leur venue au pays.

Tableau 1

Migrants et migrantes établis par mariage
au Canada entre 1617 et 1759 selon l’année d’arrivée au pays

Groupes1617-16991700-1759Total
Migrants3 2904 5667 856
Migrantes1 6053351 940
Total4 8954 9019 796

Dans le tableau ci-dessus, on observe que le nombre de migrantes et de migrants arrivés au XVIIe est comparable à celui du XVIIIe siècle en raison de la venue importante de migrants dans la colonie avec leur épouse et de l’apport substantiel des 712 Filles du roi arrivées entre 1663 et 1673. Au XVIIIe siècle, l’immigration est caractérisée surtout par l’arrivée de nombreux militaires, de faux-sauniers et de fils de famille. Quant à l’origine des pionniers et des pionnières, elle se répartie ainsi : 95,2 % de la France, 3,1 % d’autres pays européens et 1,7 % de la Nouvelle-Angleterre représentés en grande partie par les captifs et les prisonniers de guerre.

L’arrivée des migrantes est beaucoup plus faible au XVIIIe siècle. C’est que les femmes ne migraient pas seul à cette époque. Au cours de cette période, seulement 97 migrantes arrivent individuellement dans la colonie, les autres viennent au pays avec leur époux ou un autre membre de la famille. Mentionnons aussi que 35 soldats des troupes de la Marine arrivent au pays avec leur épouse entre 1750 et 1759, un fait inconnu à ce jour par la plupart des historiens7.

Nos principales sources

Pour compiler les données concernant les migrants et les migrantes établis par mariage au Canada avant 1760, nous avons consulté de nombreuses sources imprimées telles que la série de 13 volumes Nos origines en France des débuts à 1825 publiés par Normand Robert entre 1984 et 1998; le Catalogue des Immigrants 1632-1662 (Trudel, 1983); le Dictionnaire des familles du Québec des origines à 1730 (Jetté, 1983); le Dictionnaire biographique des ancêtres Québécois 1608-1700 (Langlois, 1998-2001); le Registre des malades de l’Hôtel-Dieu de Québec 1689-1760 (Fournier et Monarque, 2005); le Catalogue des émigrants catholiques des Îles Britanniques avant 1825 (Robert et Thibault, 1988); Les captifs de la Nouvelle-Angleterre 1675-1760 (Fournier, 1992); Les Européens au Canada des origines à 1765 Hors France (Fournier, 1989) ; le Fichier Histor 1731-1825 (Jetté, 2011) ; le Dictionnaire des souches allemandes et scandinaves au Québec (Kaufholtz-Couture et Crégheur, 2013) et plusieurs autres sources secondaires telles que Combattre pour la France en Amérique, Les soldats des compagnies franches de la Marine 1750-1760 et Les Témoignages de liberté au mariage 1754-1763.

D’autres études et bases de données ont aussi été consultées pour réaliser notre répertoire, plus particulièrement des publications sur l’origine des pionniers du Québec ancien ainsi que des banques de données disponibles dans Internet telles que : PRDH, Fichier Origine, Généalogie-Québec, Parchemin, Geneabank, Geneanet et Filae pour ne citer que les plus importantes.

Émigration des pionniers et pionnières

Si on connaît assez bien le nombre et l’origine des pionniers et pionnières établis par mariage au Canada sous le Régime français, il en est autrement de la migration de ceux-ci vers leur pays d’origine. Peu d’études se sont intéressées au retour des migrants et migrantes en métropole ou vers d’autres contrées d’Amérique ou d’Europe entre 1617 et 1763. Il en est de même pour les circonstances qui les ont incités à quitter la Nouvelle-France au cours de la même période.

Dans sa thèse de maîtrise, publiée en 2008, Marie-Ève Ouellet a étudié les retours de 133 migrants et migrantes vers la métropole entre 1632 et 17508. Dans le chapitre 3, l’auteure répertorie et analyse les départs définitifs en famille. Bien que le corpus étudié soit réduit, elle constate que la quasi-totalité des chefs de famille sont des immigrants qui rentrent en France avec leur épouse et leurs enfants. « Ce sont donc bel et bien des couples qui traversent l’Atlantique ; reste à savoir s’ils emmènent le reste de la maisonnée. En définitive, nos données sur la situation familiale des ménages retournés en France concordent et permettent de tracer le portrait d’un groupe assez homogène, majoritairement composé d’immigrants qui se sont mariés et ont eu leurs premiers enfants en sol colonial, mais qui ont pourtant décidé de regagner la métropole. En conséquence, sauf exceptions, leurs enfants ne s’établiront pas au Canada ».

En conclusion, l’auteure écrit : « Notre étude est donc loin de prétendre à l’exhaustivité. Nous espérons au moins que les faits observés susciteront des questionnements qui donneront le goût de continuer l’exploration des retours dans le futur. Nous espérons qu’elle aura permis de saisir les perspectives de recherche qui s’ouvrent dès lors que l’on ne considère plus la Nouvelle-France comme étant automatiquement la fin du parcours. Pour ces individus qui choisissent de repartir pour la France, elle n’aura été qu’une étape sur les chemins de l’enracinement ».

Le nombre restreint d’individus étudiés par Marie-Ève Ouellet ne permet pas d’observer tout le phénomène de l’émigration et des retours vers la mère patrie au cours du Régime français.

Pour sa part, Samantha Rompillon a étudié l’immigration vers la vallée Laurentienne au XVIIIe siècle9, dans son étude, elle arrive à la conclusion suivante concernant les retours en France ou l’établissement dans d’autres contrées. « L‘étude de l‘itinéraire géographique des immigrants nous a permis de constater combien le nombre d‘individus quittant la colonie est faible. En effet, sur les 1 805 couples dont nous connaissons l‘itinéraire géographique, seulement 108 poursuivent leurs vies en dehors de la vallée du Saint-Laurent. Cela ne représente que 6 % des ménages suivis. Si l‘on ajoute à ces 108 couples, les 376 cas dont nous n‘avons pu suivre l‘itinéraire géographique, ce pourcentage monte à 22 %. Les couples n‘ayant pas fait leur vie en Nouvelle-France représenteraient donc entre 6 et 22 % de notre corpus. Cette échelle est large mais elle nous permet d‘englober l‘ensemble des ménages, quitte à surestimer les départs ».

Mentionnons que sa recherche a porté sur 2 227 individus présents en Nouvelle-France entre 1700 et 1750. Ses données concernant les retours en métropole au XVIIIe siècle ne reflètent pas la réalité que nous avons observé dans nos estimations en 2025. De plus, elle n’a pas comptabilisé les nombreux départs effectués au lendemain de la Conquête de 1760 ce qui aurait sûrement augmenté le nombre de retours vers la France.

Robert Larin est certes l’historien qui a le plus étudié les retours des Canadiens en France entre 1755 et 1765. Sa Base de données sur les émigrants de la Conquête (BDEC) contient les fiches biographiques, des signalements de présence en France et diverses informations textuelles sur 1 950 émigrants de la Conquête regroupés par familles, ainsi que sur d’autres émigrants ne correspondant pas aux critères de sélection (des Canadiens mal identifiés, dont l’émigration en France paraît incertaine, ayant émigré avant la Conquête, etc.). Cette base de données inédites a servi à l’auteur pour publier différents ouvrages sur l’émigration canadienne vers la France, les Antilles et la Guyane10.

De nouvelles données concernant l’émigration

Des recherches récentes à partir de notre base de données11 permet d’établir à près de 15% l’exode des pionniers et des pionnières établis par mariage au Canada entre 1617 et 1759. Ces retours, qui s’échelonnent sur plusieurs périodes au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, ne se font pas uniquement vers la France mais aussi vers la Nouvelle-Angleterre et, vers d’autres pays européens et des Antilles. Pour établir le nombre de migrants et migrantes ayant quitté le Canada, nos données reposent sur leur absence au pays selon différentes sources telles que les registres paroissiaux, les actes notariés, les recensements nominatifs et les archives judiciaires.

Tableau 2

Migrants et migrantes établis par mariage au Canada entre 1617 et 1759
et départs vers différentes contrées après leur mariage

GroupesTotalDépartsImmigration nette
Migrants7 8561 1256 731
Migrantes1 9403471 593
Total9 7961 4728 324

Nos recherches permettent d’établir avec une certaine précision le nombre des migrants et migrantes qui retournent dans leur pays d’origine ou qui vont s’établir dans d’autres contrées d’Amérique ou d’Europe après leur établissement en Nouvelle-France12. Les 1 472 départs tiennent aussi compte de 28 migrants décédés en mer lors de leur retour en France.

Tableau 3

Pays de retour ou contrées d’établissement des migrants et migrantes
établis par mariage au Canada entre 1617 et 1759

Pays ou contrées de retourHommesFemmesTotal
France9372811 218
Acadie211435
États-Unis9943142
Antilles et Guyane13013
Europe27936
Décédés en mer2828
Total1 1253471 472

Dans le tableau 3, on constate que 80% des migrants et migrantes rentrent en métropole. Parmi ceux-ci, on trouve aussi des individus qui ont abandonné leur famille au Canada pour rentrer seul en France. Les retours en Nouvelle-Angleterre concernent surtout les captifs et les prisonniers de guerre qui retournent dans leur pays d’origine à la faveur des traités ou des échanges de prisonniers mais aussi quelques migrants qui vont s’établir à Détroit où en Louisiane. Ceux qui émigrent dans les différents pays européens en sont généralement originaires, c’est le cas pour des Belges, des Italiens ou des Suisses. Quant aux retours vers la France ou l’établissement dans d’autres contrées, nos recherches indiquent que 32,5 % l’ont fait pour le XVIIe siècle et 67,5 % pour le XVIIIe siècle. Les retours au cours du dernier siècle sont caractérisés principalement par l’exode des migrants lors de la Conquête de 1760.

Qui sont ceux qui émigrent en France

Établir avec certitude les raisons des retours vers la mère patrie ou l’établissement vers d’autres contrées n’est pas chose facile. Les archives restent souvent muettes sur les motivations qui ont incité des migrants à quitter la vallée laurentienne aux cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Par contre, certains indices permettent d’identifier quelques signes révélateurs pour certains individus. Nous pourrions croire que les mariages endogames seraient plus propices à l’émigration des pionniers et pionnières établis par mariage au Canada. Il ne semble pas que ce soit le cas puisque 742 migrants ou migrantes ont épousé un Canadien ou une Canadienne de naissance soit dans une proportion de 50 %. Une autre raison nous apparaît plus probable pour les 472 couples sans enfants, ils ont probablement décidé de rentrer en France n’ayant aucun descendant pour assurer leur fin de vie au pays.

L’occupation ou le métier des migrants ont également une influence sur les retours en France. Ainsi, on trouve 42 administrateurs coloniaux, 71 marchands et négociants, 31 nobles et professionnels et 524 militaires dont 184 soldats des troupes de la Marine et des troupes de Terre arrivés au pays après 1750 pour combattre lors de la guerre de Sept Ans. L’émigration des pionniers et pionnières vers l’Acadie se caractérise par plusieurs occupations qui s’échelonnent autant au XVIIe siècle qu’au XVIIIe siècle. Quant aux 347 migrantes, la plupart rentrent en France avec leur époux et souvent avec des enfants nés au Canada. Dans ce groupe, on dénombre 77 Filles du roi dont l’époux est la plupart du temps d’origine française.

Les lieux de retour en France sont difficiles à identifier en raison de l’absence de références précises dans les sources consultées. Si ces retours se font généralement par le port de La Rochelle sur des navires marchands, il ne s’agit pas nécessairement de la région d’établissement car seulement 34 migrants originaires de différentes provinces de France y sont décédés. Par ailleurs, on a trouvé 23 migrants décédés dans la ville de Paris qui ne sont pas nécessairement originaires de la capitale. Les pionniers et pionnières originaires de milieux ruraux se retrouvent le plus souvent en milieux urbains en raison des opportunités de travail plus accessibles.

En conclusion

Différentes raisons, difficiles à déterminer, ont influencé le retour des pionniers dans la métropole. Outre ceux qui n’ont pas eu d’enfants ou que des enfants décédés en bas âge, on trouve un certain nombre de migrants qui rentrent en France à la suite d’un héritage familial ou peut-être en raison de la nostalgie du pays. À la Conquête en 1760, plusieurs officiers militaires reçoivent l’ordre de quitter le Canada tout comme les administrateurs coloniaux, les nobles et les marchands. Sauf quelques rares exemptions, il ne semble pas que des migrants aient quitté la Nouvelle-France en raison du climat ou des moustiques!

La présente recherche sur l’immigration et l’émigration des pionniers et pionnières établis par mariage au Canada sous le Régime français est le résultat d’une dizaine d’années de recherche dans les archives canadiennes et françaises. Une analyse détaillée de tous les migrants et migrantes permet de présenter des données qui nous apparaissent comme les plus réalistes et les plus actuelles concernant l’immigration et l’émigration des premiers arrivants au Canada. En espérant qu’elles feront autorité dans l’historiographie relative au peuplement de la Nouvelle-France.

Marcel Fournier, AIG
Longueuil (Québec), 31 décembre 2024

Canadien et Canadienne au XVIIIe siècle
(Archives de la ville de Montréal, Fonds BM7)

Quelques pionnières et pionniers rentrés en France ayant émigré à l’étranger

Nom et occupationOrigineArrivée au paysÉpouseNombre d’enfantsÉmigration
Bolduc, Louis, soldat de Carignan-SalièresParis1665Élisabeth Hubert7Retour en France en 1685 pour rejoindre son épouse laissant six enfants au pays.
Burel, Étienne, migrant volontaireParis1682Marguerite Roussel5Accusé de méfait, il est exilé avec sa famille à la Mobile en Louisiane en 1700.
Chevalier, Jean, faux-saunierTerjat (Allier)1735Angélique Pelletier0Rentre en France en 1760 après le décès de son épouse en 1758.
Estève, François, officier de MontcalmMontpellier (Hérault)1756Bissonnette, Angélique4Rentre en France en 1767 avec son épouse et leurs enfants.
Hubert, Marie, fille du roi de ParisRouen (Seine-Maritime)1670Nicolas Fournier6Rentre en France avec son second époux Jean Gachet et une fille en 1691.
Imbert, Jacques, Écrivain du roi, puis notaire royalMontargis (Loiret)1740M.-Agathe Trefflé dit Rottot1Rentre en France avec son épouse et sa fille en 1760 et s’établit à Branches (Yonne).
Lamy, Michel, marchandLiège (Belgique)1723Anne-Marie Petit3Passe à Saint-Domingue vers 1735 laissant sa famille au pays. Il décède à St-Domingue.
Noiseux, Étienne, fils de famille, puis soldat des troupes de la MarineParis1724Jeanne-Geneviève Malet3Rentre en France vers 1730 abandonnant sa femme et ses enfants au pays. Il est à Paris en 1738.
Pascaud, Antoine, marchandBordeaux (Gironde)1750Hertel, Élisabeth0Passe en Acadie avec son épouse en 1752, puis à Cayenne (Guyane) en 1763.
Serail, Joseph, ouvrier aux forges du Saint-MauriceBordeaux (Gironde)1754Gabrielle Dautel1Rentre en France en 1760 avec son épouse et leur fille.
Stibbins, John, captif-prisonnierNorthampton (Massachussetts)1704Dorothy Alexander6Rentre en Nouvelle-Angleterre en 1714 avec sa femme et trois enfants.
Talon, Lucien, domestique engagéHaudivillers (Oise)1665Isabelle Planteau5Rentre en France avec sa famille en 1684, puis passe en Louisiane en 1684 avec Cavelier de LaSalle.

1 Mario Boléda, « Les migrations au Canada sous le Régime français (1608-1760) » Cahiers québécois de démographie, vol. 13, no 1, avril 1984, p. 23-39 et « Trente mille Français à la conquête du Saint-Laurent », Histoire
Sociale – Social History, vol. XXIII, no 45 (mai – may 1990), p. 153-177.

2 PRDH, Programme de recherche en démographie historique de l’Université de Montréal. Registre de la population du Québec ancien. https://www.prdh-igd.com/

3 Hubert Charbonneau et Normand Robert, « Origine de la population canadienne 1608-1759 » dans Atlas historique du Canada. Des origines à 1800, Les Presses de l’Université de Montréal, 1987, planche 45.

4 Leslie Choquette, De Français à paysan. Modernité et tradition dans le peuplement du Canada français, Québec, Les Éditions du Septentrion, 2001, 323 p.

5 Samantha Rompillon, Portrait et itinéraires de l’immigrant dans la vallée du Saint-Laurent au XVIIIe siècle, thèse de doctorat présentée au Département des sciences historiques, Université Laval, 2013, 756 p. https://www.collectionscanada.gc.ca/obj/thesescanada/vol2/QQLA/TC-QQLA-29146.pdf

6 Marcel Fournier, Les pionniers et pionnières établis par mariage au Canada 1617-1825, https://archiv- histo.com/pionniers.php

7 Rénald Lessard, Compagnies franches de la Marine au Canda 1750-1760. https://www.sgq.qc.ca/marine— imbrique

8 Marie-Ève Ouellet, L‘envers de l‘immigration coloniale : le retour en France des habitants du Canada (1632-1750). Mémoire de maîtrise (histoire), Université Laval, Québec, 2008, 162 p. Cette étude repose sur 133 ménages.


9 Samantha Rompillon, Portrait et itinéraires de l’immigrant dans la vallée du Saint-Laurent au XVIIIe siècle. Thèse de doctorat (histoire), Université Laval, Québec, 2013, 756 p.

10 Robert Larin, Canadiens en Guyane 1754-1805, Québec, Les Éditions du Septentrion, 2006, 387 p. ; L’exode des Canadiens à la Conquête, le petit Canada de la Touraine, Société généalogique canadienne-française, cahier 1, 2008, 40p. ; « Les Canadiens passés en France à la Conquête. Les Nécessiteux secourus à La Rochelle, 1761-1764 », dans Revue d’histoire de l’Amérique française, Volume 68, numéro 1-2, été–automne 2014, p. 101–124, https://www.erudit.org/fr/revues/haf/2014-v68-n1-2-haf01969/1032021ar/

11 Marcel Fournier, Les pionniers et pionnières établis par mariage au Canada 1617-1825, https://archiv- histo.com/pionniers.php


12 Parmi les 1 472 migrants et migrantes qui quittent la vallée laurentienne entre 1617 et 1763, nous avons présumé les départs de seulement 80 personnes pour lesquelles des informations sont incomplètes.

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Médaille SHM

Médaille SHM

M. Mario Robert, président de la Société historique de Montréal et membre du conseil d’administration de la Commission, le lauréat M. Marcel Fournier et la présidente du Conseil municipal de Montréal, Mme Martine Musau Muele. Crédit photo: Jacques Landry

Médaille de la Société historique de Montréal décernée à Marcel Fournier en 2024



Le 28 janvier 2025, à l’Hôtel de Ville de Montréal, M. Marcel Fournier, historien et généalogiste émérite a reçu la médaille d’honneur de la Société historique de Montréal en reconnaissance de son immense contribution en histoire et en généalogie depuis 50 ans.  Ses multiples publications, ses initiatives comme le Fichier Origine et ses nombreuses conférences, tant au Québec qu’en France, ont mis en lumière de nouveaux pans de l’histoire commune franco-québécoise. La médaille de prestige de la Société historique de Montréal est décernée à des historiens pour l’ensemble de leur œuvre depuis 1922.

Service de recherches généalogiques

Marcel Fournier, spécialiste en histoire et en généalogie depuis plus d’une trentaine d’années, offre un service de recherches généalogiques tarifé aux personnes qui souhaitent mieux connaître leurs ancêtres. Afin de produire un dossier généalogique sur mesure et certifié, il est abonné à de nombreuses bases de données canadiennes, américaines et européennes.

Le dossier généalogique comprend :

– Une lignée ascendante patrilinéaire ou matrilinéaire jusqu’à l’arrivée de l’ancêtre en Amérique avec les indications des noms des conjoints, des parents de la conjointe, du lieu précis et de la date du mariage.

– Une courte biographie du premier ancêtre arrivé au Canada avec une illustration du village d’origine en France ou du village d’établissement en Nouvelle-France.

– Les copies authentiques de certains actes de l’état civil (baptême, mariage et sépulture) des membres de la famille entre les années 1620 et 1996.

– Des avis de décès concernant la famille et des pierres tombales de cimetière.

– Des cartes géographiques de localisation des ancêtres.

Les coûts :

Pour entreprendre la recherche, les personnes intéressées doivent fournir quelques indications de départ telles que le nom du demandeur, les noms des parents et si possible les noms des grands-parents ainsi que les lieux de résidence de ceux-ci.

Si au départ la recherche généalogique n’est pas concluante, aucun frais ne sera chargé.

Le prix d’un dossier généalogique est de 150 $ pour une lignée patrilinéaire (de père en fils) ou matrilinéaire (de mère en fille). Pour les deux lignées le prix est de 250 $.

Marcel Fournier, AIG, MGA
Historien et généalogiste
208, rue Vendôme, Longueuil (Québec) J4L 1C2
Téléphone : 450 647-1240
marcel-fournier.com
marcel.fournier@sympatico.ca